L’ARCHIVISTE DE Alexandra Koszelyk

  Éditions Aux forges de Vulcain- Rentrée littéraire 2022 -268 pages- (isbn978-2-373-05655-6)

 RÉSUMÉ : En pleine guerre, l’archiviste K protège des œuvres d’art dissimulées dans les souterrains d’une bibliothèque ukrainienne. Mais un soir, un homme du camp ennemi vient lui imposer un marché : sa sœur jumelle ne sera libérée qu’à la condition qu’elle-même falsifie les œuvres de son pays, gommant ainsi toute trace de sa culture. L’homme veut jouer ? Très bien. Alors K, portée par l’amour de sa patrie, va se révéler pleine de ressources.

PITCH : Un véritable pied de nez à la guerre qui tue et tente de tout effacer sur son chemin, mais qui dans le fond, ne peut rien détruire de façon durable face aux ressources et à l’inventivité des artistes, surtout s’ils sont de surcroît engagés et mystérieusement enclins aux contacts extra-sensoriels et aux visions…

 MON AVIS : durant ma lecture, je me suis représentée K telle une funambule : un pas de travers, et l’homme au chapeau, ce diabolique envahisseur sans nom triompherait d’elle et de la culture ukrainienne, en opérant une sorte de grand reset, et ce dans chaque domaine artistique. L’homme est un stratège, il connaît son but et selon lui, « Il est temps de regarder l’avenir. Un pays, une nation, une culture ». Deux frères fumant un calumet de la paix, voilà son obsession ! L’homme ne se satisfait pas d’être simplement pervers, (« instiller le doute face à des œuvres plurielles. De ces variantes naîtra une hésitation. Je m’insère dans cette brèche »), il jouit aussi d’être un manipulateur. Il va essayer d’appâter K, en lui promettant qu’elle deviendra une artiste accomplie grâce aux livres, tableaux, photos qu’elle transformera, maquillera pour que l’Histoire rime avec le présent de l’envahisseur et de son camp.

 Le mal incarné est là, qui attend la gueule ouverte, dans la fosse, sous les efforts de notre archiviste en perpétuel déséquilibre : Qu’est-ce qu’un(e) Juste ? Comment entre-t-on en résistance ? Doit-on choisir sa famille ou sa patrie ? L’essence même d’un artiste n’est-elle pas l’engagement ?

L’autrice offre alors à son héroïne des amies, ou des alliées, qui sous forme d’ombres un peu fantomatiques, vont lui coller à la peau, l’aider à garder mystérieusement son équilibre au sein de ces archives qu'elle aime tant. Elle fait aussi le choix d’une langue souvent poétique pour apporter un peu de beau au milieu de la guerre, et opte pour une ambiance qui flirte avec le conte. Dans un récit, je parie que K serait déjà tombée du fil, car la réalité sociale de ce conflit, de la souffrance et de la pression subie pour nier le passé de l’Ukraine l’aurait balayée comme une feuille à l’automne… Mais l’imaginaire de l’artiste ne connaît pas de frontière ! « à leurs yeux, l’imaginaire est dangereux, car il peut conduire à un autre monde, une autre réalité qui échapperait alors au pouvoir. Ne dit-on pas que le potentiel d’un esprit est infini ? ». Alexandra Koszelyk va alors intégrer une dose de réalisme merveilleux dans son roman pour permettre à K de s’évader de la réalité sans espoir, et pour nourrir son imagination d’artiste.

 En tant que lectrice, j’ai pu voyager dans le temps et l’espace, développer mes sens et entrer en contact avec ces grands noms de l’art ukrainien, ces peintres, poètes, écrivains.

Toutefois je tiens à rassurer l’autrice et l’éditeur, je n’ai pas transformé la couverture du livre dans le but maléfique de faire disparaître l'histoire des éditions aux forges de Vulcain…..

LE CONSEIL DU MATOU CHARLY , INTELLO MAIS PAS TROP: Je crois que je suis un grand artiste, moi aussi ! L’écrivain Gogol avait ses fantômes. Comme moi ! Et K avait ses ombres : moi aussi je les ai et le soir, je hérisse le poil et les course dans le couloir !

LA DRÔLE D'ORDONNANCE DE LA PSY ET COACH EN HERBE : « Pour avancer, il faut tenir entre ses mains la lampe de son passé. Sinon, aucun génie ne pourra en sortir. » Un être, comme un pays, doit savoir d’où il vient pour choisir librement son cap. Sinon, ce cap lui sera choisi à son insu (pour l’être), et par son ennemi envahisseur (pour le pays). Alors archéologue ne devrait pas être seulement un métier, mais l’état d’esprit de chacun en quête de sa propre histoire !

 ! LE SONGE ET L’ART ou comment rêvasser pour mieux créer !

Comments

[Myriam Saligari]

Voilà qui donne envie de découvrir ce roman, pour l'art et pour l'Ukraine !