« MA REINE » de Jean-Baptiste Andrea

Éditions L’iconoclaste - 2017 - 222 pages-

 RÉSUMÉ les parents de Shell, 12 ans, tiennent une petite station-service dans la vallée de l’Asse au cœur des Alpes de Haute-Provence. Le jour où leur fils « différent » met involontairement le feu, ils décident que le temps est venu de le placer dans une école adaptée, à la ville. En cet été 1965, Shell va alors fuguer pour prouver qu’il est adulte. Et rencontrer sa reine, la jeune Viviane, la fille du plateau sur la colline, aux yeux de laquelle enfin il existe pour lui-même. Jusqu’où le mènera ce jeu d’obéissance bienveillante et absolue ?

PITCH Un conte-roman inoubliable, aux plusieurs degrés de lecture, qui force à réfléchir : à la « différence », à son acceptation et sa gestion (en famille et à l’école). Également aux conséquences des superstitions, ainsi qu’au rôle encore si minimisé du pouvoir parental. Le tout enrobé d’un papier glacé coloré qui brille des mille feux de l’imagination subtile de l’auteur !

 MON AVIS Que d’interrogations ! Car même si je suis devenue le jeune Shell le temps du livre, je n’en suis pas moins restée moi-même à m’interroger sur des questions essentielles. J’ai donc vécu ses angoisses, ses maltraitances, ses rêves et ses évasions à travers son imagination débordante.

Jamais l’auteur ne nous pose un diagnostic sur l’état de santé mentale de Shell. A-t-il juste un retard mental ? (« Il (le médecin) leur avait expliqué que ma tête avait arrêté de grandir »). Est-il schizophrène ? (On apprend qu’il entend des voix) ? Ou s’agit-il d’un enfant hypersensible, hyperémotif (il pleure pour un rien), hyperesthésique, sujet aux crises de panique, avec des toc, et lié malgré lui à une stupide croyance en un sort jeté qui l’enfermerait dans sa condition ? Ou alors souffre-t-il d’une forme d’autisme ? J’avoue avoir tenté en vain de savoir tout au long du livre, et j’ai compris que sa famille ou le médecin de famille n’en savaient guère plus que moi ! Pourtant on le bourre en vain de gélules car on trouve que ce n’est pas simple de vivre avec lui ...

Toujours est-il qu’il entend toujours le même discours et s’en est convaincu : « C’est vrai que j’étais un imbécile, quoi que je fasse, on y revenait toujours, les gens avaient raison ». J’ai frémi à ces mots. Traité d’idiot du village, d’abruti, ou décrit par son père comme un moteur de 2CV dans une Alfa Roméo Giulietta, ce pré-adolescent a-t-il une chance de s’en sortir autrement qu’en prenant la fuite lorsqu’il comprend qu’on va venir le chercher et l’emmener on ne sait pas trop où… ? « C’est ce jour-là que j’ai décidé de partir à la guerre ». Dans son monde à lui, guerre est synonyme de transformation du petit garçon en homme ! « Plus personne ne m’emmènerait, plus personne ne m’appellerait imbécile ».

Et voilà qu’une gamine se présente à lui sur le plateau de la colline. « Viviane est sortie du vent ». Et là, au fil des pages je pense à la chanson de Pierre Groscolas de 1971 « fille du vent et du soleil », qui m’évoque cette époque, une vie un peu rêvée, construite dans les pensées pour échapper au quotidien beaucoup moins accueillant… Alors je l’écoute en écrivant cette chronique, juste assez pour « m’échapper » moi aussi…

Viviane lui propose de la servir comme une reine, selon un protocole établi par elle qu'elle énonce de cette étrange voix rauque... Elle lui donne quelques preuves de ses pouvoirs, comme : « Le vent s’est arrêté. C’est moi qui lui ai donné l’ordre. Il allait froisser ma robe". Shell boit littéralement les inventions de la fillette. Enfin de la reconnaissance ! Obéir, certes, mais « à elle, je pouvais obéir sans avoir l’impression d’être un enfant ». Déjà il touche du doigt un monde plus tendre, plus juste, plus vrai, un monde qui lui fait sa place, lui le gosse enfermé dans une cage de débilité décrétée par des gens jugeants et peu compétents. Il oublie peu à peu qu’»autrefois à l’école, tout le monde était meilleurs amis sauf moi ».

Mais…Après… Soudain… Je ne peux rien vous dire de plus sur le déroulé du livre. Rien. Ou si, une chose : lisez-le, il est incontournable et si « différent ».

---

LE CONSEIL DU MATOU CHARLY, INTELLO MAIS PAS TROP

Perso je suis pour l’obéissance : celle de ma compagne humaine qui ne trouve rien à redire d’ailleurs, je suis son roi, et elle a appris par cœur cette citation du livre qu’elle s’attribue : « J’ai pensé que c’était peut-être ça, être un héros : faire des choses qu’on n’est pas obligé de faire ».

---

LA DRÔLE D'ORDONNANCE DE LA PSY ET COACH EN HERBE La famille a tant de pouvoir dont elle n’a souvent pas conscience : elle peut, à travers ses mots, regards, attentions, actes, aider un enfant à développer le meilleur de lui-même ou au contraire le vider de son essence, de son estime de lui, de ses espérances et le mener à croire en sa propre responsabilité dans la vie difficile qui l’attend alors ! « Il y a quand même des choses que je fais bien »……………………………………………..

! Pas moins de 13 prix pour ce premier roman bouleversant et instructif !

Comments

[Tu lisais]

Oui j'ai parlé de la partie sombre mais le livre a un vrai côté conte et de nombreux passages sont fort jolis, avec ce point de vue enfantin de ces 2 gosses. Par moments je retrouvais des aspects de Pagnol dans le chateau de ma mère. J'ai choisi de creuser, mais on peut le lire de façon plus soft ! Un livre splendide.

[Mag Marmotte]

Merci pour cette belle découverte, une fois encore. Le titre et la photo sont légers par rapport à la thématique. Je ne sais pas si c'est pour compenser le récit qui semble assez difficile, ou pour prendre du recul et voir tout de même la vie d'un bon côté ? Merci !