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28 mai 2023

« LE BUREAU D'ÉCLAIRCISSEMENT DES DESTINS » de Gaëlle Nohant

LE BUREAU D'ÉCLAIRCISSEMENT DES DESTINS

 Éditions Grasset – 411 pages – 2023

 

L’humanité ET l’inhumanité dans un roman bouleversant !

 

PITCH : Un titre qui résume à merveille le roman : un bureau comme lieu d’investigation et de recherches patientes dans les archives de guerre, des enquêtes dans différents pays et beaucoup d’intuition pour (re)mettre la lumière sur des parcours de vie brisés, endeuillés, massacrés.

 

 RÉSUMÉ : Irène, jeune française installée en Allemagne, commence à travailler en 1990 pour l’ITS, LE centre de documentation des crimes nazis. En 2016, passionnée par son métier, on lui confie une nouvelle mission : retrouver, à partir d’un objet, la personne déportée à qui il appartenait et le rendre à ses descendants. Enquêter, voyager, expliquer à ses contemporains quelle fut le destin tragique de leurs aïeux. Aider des familles à se retrouver. Irène va entrer dans les histoires et rencontrer l’Histoire et sa face la plus sombre. Quant au centre, lui aussi cache des secrets…

 

MON AVIS : J’ai interrompu ma lecture plus d’une fois pour sécher mes larmes. J’ai tapé Bad Arolsen sur Google, puis Ludwigsburg et son office central qui traquait les anciens nazis. J’ai vécu à Ludwigsburg et autour durant quinze ans… Je suis passée à côté de ce centre d’archives tant de fois en ignorant ce que bâtiment abritait… Oui, moi la femme qui rêvait de devenir enquêtrice, j’ai passé 411 pages à être Irène, cette femme « chargée d’une mission qui la dépasse et la justifie », et je n’en ressors pas indemne…

 

J’ai visualisé ce roman sous la forme d’un échiquier. D’un côté, les chercheurs de vérité, de l’autre, les tenants des secrets de guerre. L’ITS, International Tracing Service, dirigé par Eva, ancienne déportée, est un centre d’archives géant, installé étrangement –ou ironiquement– à Bad Arolsen, cette petite ville de Hesse qui fut un haut lieu nazi. Mais voilà, les Américains sont bientôt plus préoccupés par la guerre froide que par la recherche de preuves de crimes SS ou par le rendu d’objets de valeur symbolique à des descendants… « Une cécité diplomatique, nourrie par l’antisémitisme ». La France n’est pas en reste, le déni reste plus simple que de côtoyer les faits, que suivraient la honte, le devoir de rendre des comptes… De nombreux anciens nazis se font alors embaucher à l’ITS sans vérifications, pour ralentir les investigations voire détruire des preuves et freiner les enquêteurs qu’ils considèrent comme des fouilles-merde… L’autrice n’hésite pas à montrer combien les nazis d’après-guerre ont été peu inquiétés, amnistiés, réintégrés, les plus culottés exigeant même des arriérés de pension ! « Un fond d’archive, observe Antoine, c’est un peu comme une collection de grenades dégoupillées. Les numériser en accès libre, c’est une belle victoire démocratique ».

 

Alors bien sûr ce roman est l’histoire d’Irène mais c’est une incroyable ENQUÊTE sur les pistes de disparus déportés. Le point de départ ? Un petit Pierrot en tissus vieilli, sans aucune autre valeur qu’affective, (donc d’une valeur inestimable !) dont elle doit retrouver d’abord la trace de son/sa propriétaire. « D’un objet qui attend de retrouver son propriétaire, on dit qu’il est en souffrance. » Gaëlle Nohant emmène ses lecteurs aux archives, point de départ (et lieu de rapatriement) d’un périple haletant, terrifiant, à travers le ghetto de Varsovie, la Pologne, les camps, la Grèce, l’Allemagne, la France… sur les traces de l’enfant qui, un jour, de peur, serra ce doudou dans ses mains. Qui était-il ? A-t-il survécu ? Quel lien avait ce petit avec Witta, Lazar, Elsie et tant d’autres personnages à qui l’autrice donnera tour à tour la parole, pour plus d’authenticité, pour laisser à chacun la chance d’expliquer son point de vue.

 « Non, pas recommencer sa vie, mais la poursuivre sur des cendres ».


 

LE CONSEIL DU MATOU CHARLY, INTELLO MAIS PAS TROP » Mais vous croyez, vous, qu’on pousse droit sur un sol empoisonné ? Que l’amour suffit à racheter le crime et le mensonge ? Moi je pense que tôt ou tard, ça se déglingue. » Les chats ont beaucoup de similitudes avec les petits enfants. Alors forcément, quand j’ai appris qu’environ 200 000 petits (qui avaient des traits aryens) avaient été enlevés pour les faire adopter par les nazis, mes moustaches se sont révoltées ! « Les seuls qu’on se faisait prier pour accueillir, c’étaient les petits déportés, trop abîmés ».


 

LA DRÔLE D’ORDONNANCE DE LA PSY ET COACH EN HERBE : les crimes nazis ont des conséquences à court, moyen et long terme sur les victimes, leurs descendants, et des populations entières. Le mal infligé ou reçu dans l’instant n’en finit pas avec la mort du bourreau ou de la victime. Il est in-sinueusement véhiculé à travers temps et espace, transmis à travers les générations jusqu’à ce que certains.es n’aient plus d’autre choix que de se poser et d’interroger les zones d’ombre du passé déclencheur. Et s’il n’y a que trop peu d’interrogation, alors les (mal)chances sont grandes de voir revenir la barbarie. Et le livre met le doigt sur notre époque, ses conflits antérieurs non résolus, ses haines et jalousies diverses et son antisémitisme ultra inquiétant… Je verrais bien ce livre comme lecture en lycée, un livre d’utilité publique car outre l’histoire prenante, il est incroyablement documenté.


 Vous avez apprécié ?

 Alors lisez « La carte postale « d’Anne Berest sur l’enquête familiale d’une famille juive en proie à l’horreur antisémite. Lisez aussi « L’archiviste » d’Alexandra Koszelyk, une femme archiviste pendant la guerre d’Ukraine qui fera tout pour que les œuvres d’art de sa culture soient rescapées.

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Commentaires
M
Merci pour ce très beau lien fait entre ce livre et l'histoire mondiale. <br /> <br /> Je me permets de compléter avec le récit de Jennifer Lesieur appelé "Rose Valland, l'espionne à l'œuvre " éditions Robert Laffont, 2023. <br /> <br /> Il y a des personnes exceptionnelles dans l'histoire. Je les découvre surtout grâce à la lecture. <br /> <br /> Merci !
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J
Je l'ai lu, juste après "La carte postale", mais n'ai pas réussi à en parler ; pourtant, moi aussi j'ai "été Irène" tout au long des pages... <br /> <br /> Cette chronique lui rend l'hommage que je n'ai pas su lui rendre.
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