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OH PARDON ! TU LISAIS...
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12 avril 2024

« MAIKAN » de Michel Jean

 Éditions Dépaysage – en poche chez Points- 223 pages- 2013, réédité 2021-

 

Bouleversant –

Terrifiant – Nécessaire –

 

PITCH : un roman qui traite des traumatismes à l’échelle individuelle et collective, des troubles de l’attachement et de la résilience à travers le prisme de l’assimilation du peuple des premières Nations et de la maltraitance infantile dans les pensionnats d’assimilation réservés aux Autochtones.

 

RÉSUMÉ : le pensionnat de Fort George ouvre ses portes en 1936. Le gouvernement canadien impose alors aux familles d’y envoyer les enfants Autochtones, soi-disant pour les éduquer hors de la misère. Marie, Virginie et Charles, quatorze ans, vont vivre le même quotidien que 150 000 enfants depuis la fin du XIX ème siècle : on les dépossède de tout ce qui fait leur culture, on les appelle par des numéros. 70 ans plus tard, dans le cadre d’une « réparation » d’État, une avocate recherche ces trois jeunes qui n’apparaissent étrangement dans aucun fichier… Que leur est-il arrivé ?

 

 MON AVIS : ce roman noir, social, sociétal, historique, alterne avec l’enquête de la jeune et chic avocate Audrey à qui Michel Jean, ce journaliste Innui engagé, prête sa voix  pour mettre bas les masques, crier la vérité sur cette honte nationale, honorer la mémoire de tant d’enfants brisés.

On navigue entre 1936 et aujourd’hui, entre le récit des enfants depuis le jour de leur « enlèvement » et notre époque qui « indemnise » les victimes. Indemniser … Une maigre compensation face aux séquelles à vie.

 

J’ai trouvé un bel équilibre dans ce livre entre le plus laid de l’humain et ce qu’il a de plus beau en lui. Régulièrement, on flirte avec l’abomination, la violence, la terreur, avec les faits, et je me disais que si ces gosses les avaient endurés, moi, je pouvais bien les lire. Et alors arrivaient les passages où mes sens pouvaient de nouveau se réjouir devant la pureté de la nature. Je partais alors dans les grandes plaines, au milieu de forêts immenses ou avec des troupeaux et ces moments-là m’offraient l’espace et l’oxygène nécessaire pour contrebalancer avec le quotidien cruel des victimes. « On se prépare pour le grand voyage, et la rivière qu’on a remontée à l’automne nous portera sur son dos jusqu’au lac. »

Et quand je n’attendais plus rien de cette saleté d’humain, l’auteur me rappelait à la raison : ce livre regorge d’amitié, de sororité, d’entraide, d’affection, de regards et sourires complices, de caresses d’enfants, de consolation. Non, tout le monde n’est pas bourreau !

 

Je suis passionnée par le sujet des traumas, et j’ai trouvé ce livre très complet.

– J’y ai perçu les blessures d’attachement de ces gamins qui n’ont pas les codes pour comprendre pourquoi leurs parents les abandonnent à ces prêtres !

–Puis viennent les phases de traumas graves, avec des enfants dont le cerveau passe en mode dissociation pour survivre. Des traumas qui chez beaucoup d’entre eux vont se transformer en un stress post-traumatique aux répercussions psychiques et physiques très lourdes. « Ce que la vieille est devenue n’est que le résultat de ce qu’elle a traversé. »

–Puis l’auteur parle sans la nommer de résilience physiologique quand elle est accessible, grâce aux passages d’écoute, de compassion, de réparation. Au lien humain, quoi ! La nature, l’amitié sont des valeurs sûres pour tenter de reconnecter à l’ici et maintenant, pour revenir dans la réalité.

 

Le territoire est un personnage à part entière, un personnage victime. Le pensionnat est un autre personnage, le symbole de la contrainte, des prédateurs que les enfants comparent aux loups affamés.

« En les dépossédant de leur nom, de leurs cheveux, de leur odeur corporelle ainsi que de leurs vêtements, on a coupé un à un les fils qui reliaient les pensionnaires à leur monde. »

 

Ici, il est vraiment question d’imposer sa vision au nom d’une cause que l’on pense juste. C’est un peu le Quoi qu’il en coûte des colons… Le juge et sénateur Sinclair parlera d’un « génocide culturel », et Bryce d’un « crime national ». « Le but des curés était d’évangéliser le peuple, et celui des politiciens, de l’assimiler. »

 Le problème du « Nouveau Monde » s’appelle l’Autochtone, et pour éradiquer ces « histoires d’Indiens », on va les persuader qu’on veut les aider, les sortir des tentes, les faire accéder au progrès… Certains colons sont convaincus de leur mission, de leur schéma. « Jimmy a appris à se méfier des Blancs qui prétendent aider les Autochtones. Les Indian Lovers, comme il les appelle avec dédain. « 

 

LA DRÔLE D’ORDONNANCE DE LA PSY ET COACH EN HERBE : Soumettre les enfants : un acte facile, lâche, né dans le cœur de prédateurs trop faibles pour affronter leurs semblables et qui se cachent derrière leur devoir d’obéissance à l’État et/ou leur perversion !!!

Nous ne sommes plus en 1936 et pourtant, la cause des enfants n’intéresse guère, elle ne fait pas se lever les foules… Sauf le juge Édouard Durand, expert engagé contre les violences conjugales et sexuelles, qui présidait jusqu’à peu la CIIVISE (commission indépendante sur l’inceste et les violences faites aux enfants) et propose des solutions concrètes pour lutter contre ce fait de société : « La complaisance collective dans le déni de l’inceste peut être appelée consentement meurtrier passif » Inceste, pédophilie, ces armes de guerre, pour soumettre… Les bourreaux trouvent toujours de bonnes raisons et nos sociétés les laissent faire !!!

 

LE CONSEIL DU MATOU CHARLY, INTELLO MAIS PAS TROP : Heureusement, je suis né chat et non lièvre ! Car sinon, je peux vous dire que Virginie et Marie, je les aurais fui, ces petites chasseuses…

 

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