« LA VÉNUS AU PARAPLUIE » de Thibaud Gaudry

 Éditions Buchet / Chastel– 174 pages- R.L. 2023-

Délicieux, poétique, gracieux, frais et drôle !

PITCH : « Elle avait un parapluie, il n’en avait pas. À quoi tiennent parfois nos destins. »

L’histoire d’un coup de foudre et de ses conséquences chez un homme romantique et sensible à l’imagination débordante qui fait de sa vie un scénario en perpétuelle réécriture !

RÉSUMÉ : Un dimanche soir, IL fait la queue devant un cinéma d’art et d’essai parisien. La pluie tombe et ELLE l’abrite sous son parapluie, simplement, avec le sourire. Plus rien ne pourra jamais être comme avant cet instant « chagallien ». La revoir, oui, il ne peut en être autrement, mais quand ? Comment ? Où ? Et si, et si, et si … Mais leur passion commune pour le cinéma des années 1930 à 1960 pourrait bien lui servir d’alibi pour une nouvelle rencontre… Surtout qu’ils ont déjà 98 minutes de vie commune !!!

 MON AVIS : Je suis littéralement tombée amoureuse de ce roman ! On sait qu’un roman peut faire basculer une vie, comme une rencontre. Alors pourvu tout de même que cette lecture ne provoque pas chez moi un bouleversement comme chez le personnage de Thibaud Gaudry !!!

Durant 174 pages j’ai flotté moi aussi comme dans une toile de Chagall, je me suis baladée dans ce Paris romantique propice aux passions, j’ai visualisé les dessins de Sempé si plein de grâce et de poésie, j’ai compris que j’allais me plonger dans ce cinéma rétro de Lubitsch, Capra, Wilder, Preminger...

Ce livre est à la fois une mise à nu et un mystère pudique. L’ambiance est élégante, joliment désuète, très française alors que le personnage vit un vrai film Bollywood en son for intérieur, avec des très hauts, des très bas, des espoirs insensés et des détresses démesurées. On ne s’ennuie pas une seconde, pourtant, il s’agit d’une romance qui aurait pu mettre l’auteur en danger de répétitions, de lourdeurs. Que nenni ! L’humour surgit à chaque page et flirte avec l’Amour fou sur un rythme qui ne tarit jamais. L’arc de Cupidon est bien bandé, envoyant des flèches sous forme de symboles, de métaphores. Vous l’aurez compris : j’ai a-do-ré le talent de ce primo-romancier et sa capacité à faire l’éloge d’une femme !

Merci au passage à VLEEL pour son interview de l’auteur et au concours qui a fait que j’ai gagné ce livre.

On est donc en présence d’un personnage qui aime tellement le cinéma qu’il est devenu le réalisateur du film de sa vie. En soi, c’est plutôt bien de tenir les rênes de sa vie, mais il ne les tient pas vraiment. L’apparition de cette « Tantôt Vénus, tantôt Madone. Toujours divine » revêt pour lui une dimension spirituelle, avec risque d’extase, d’euphorie… « Il ressentit comme une forme de connivence avec Bernadette Soubirous, lui aussi espérait la voir réapparaître souvent. » Le cinéma devient pour lui le sanctuaire de la rencontre et un sentiment d’allégresse alterne avec les nuits que peuvent connaître les mystiques. Comment alors trouver le repos ? « Tenter déjà de reconstituer sa concentration dont l’allure est celle d’un puzzle de mille pièces qui aurait explosé au sol. »

Notre homme, qui fétichise d’habitude les signes, n’avait pas prévu cet instant T, ce coup de love. Il est pris de court. Comment séduire cette femme, comment s’y prendre, lui, l’introverti dont le cerveau tourne à mille à l’heure, qui tricote des histoires qu’il détricote aussitôt. Peut-être grâce à « la théorie de l’accoudoir » ? Il a pour fâcheuse habitude (et pour notre bonheur de lecteur) de rejouer chaque scène, en exagérant, en se comparant à des personnages, en analysant chaque détail, et en étant régulièrement dans un sacré vrai déni. Pas vraiment le profil du type qui ne se prend pas la tête, ou de l’hédoniste qui vit l’instant présent, mais plutôt du poète, de l’artiste angoissé et peu sûr de lui.

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LA DRÔLE D’ORDONNANCE DE LA PSY ET COACH EN HERBE : Si vous êtes en boucle (un peu obsessionnel), que vous refaites votre passé alors qu’il est passé, et qu’en plus votre petite roue intérieure ne ralentit jamais, vous avez sûrement tendance à anticiper des drames. Ça vous parle ? (Moi, je connais !)  Du style imagination débridée, projections négatives, spéculations incessantes sur fond d’ascenseur émotionnel… « La machine à spéculations tournait à plein. Et la machine à fantasmes aussi. »

« Il ne savait rien d’elle. Peut-être était-elle la plus grande écorcheuse en série de petits chats. Peut-être allait-elle lui lacérer le cœur sans le moindre scrupule. » Whaouh ! Imaginatif, notre amoureux !!!

Il existe des méthodes cognitives pour calmer les tsunamis intérieurs. Si si ! Et je conseille la lecture de ce roman qui pourrait être un déclic en plus d’un plaisir et d’un moment passionné.

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LE CONSEIL DU MATOU CHARLY, INTELLO MAIS PAS TROP : Franchement les humains, si vous ne voulez pas du stress de la cavalcade amoureuse qui suit la foudre amoureuse, restez sous la couverture sur le canapé. Comme moi. Au moins, pas de risque !

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Vous avez apprécié ? Alors lisez « Belle du Seigneur » d’Albert Cohen, un auteur apprécié de Thibaud Gaudry. On sent des points de convergence dans la torture intérieure des amoureux, mais les phrases de Thibaud sont relativement courtes alors que celles de Cohen sont immenses.

Comments

[Tu lisais]

Merciii ! La chanson serait idéale pour accompagner le post sur les réseaux !Super idée.

En tous cas ce livre fait partie de mon top 5 de 2023 !

[Jigs]

"Un p'tit coin d'parapluie contr'un coin d'paradis" ? IL a eu la chance d'avoir les deux !

Mille mercis, Cat(s), pour tes chroniques savoureuses, que je suis avec un grand intérêt... et une très belle année 2024 remplie de jolies découvertes littéraires !