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OH PARDON ! TU LISAIS...
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22 décembre 2022

« LES ENFANTS ENDORMIS » de Anthony Passeron

 

Les enfants endormis

Éditions Globe– Rentrée littéraire 2022 – 273 pages-

 

 RÉSUMÉ Un roman parti d’une enquête menée par l’auteur dans sa propre famille, au cœur des années 80 – les années sida. Son oncle Désiré, héroïnomane, va succomber lentement à la maladie, entouré d’une famille qui refuse les évidences et d’une société qui stigmatise affreusement les malades. Anthony Passeron retrace en parallèle toute l’aventure médicale sous forme assez journalistique, là-aussi entre rejet des faits et lentes avancées.

 

PITCH  Un livre moderne, instructif, émouvant, qui ne dénonce jamais mais relate des évidences, des faits. Un chemin de réflexion sur la nouvelle société années 80, les aspirations de cette jeunesse, son rapport à ce virus inconnu, l’importance de connaître la vérité et la transmission familiale.

 

 MON AVIS  Enquêtes, non-dits, secrets, déni, transmissions familiales … c’est ma came à moi !!! J’ai donc eu plaisir à échanger avec le calme et posé  Anthony Passeron car je comprends si bien son besoin d’investiguer, son besoin de soulever le vieux tapis que sa famille prenait soin de ne jamais secouer, puis son besoin d’en parler, de partager ! Il a relevé ce challenge avec dignité et pudeur. Un travail vital de détoxination de son passé !

En préparant cette chronique, une chose m’a sauté aux yeux : SIDA et DÉNI, quatre lettres dont deux identiques, le D et le I. DI… Dis la vérité… ? Le livre parlerait-il finalement de deux virus ? D’où pourrait venir le déni qui parcoure 273 pages ?

 

 Dans la famille Passeron, il y a :

le grand-père Émile, boucher dans l’arrière- pays niçois, travailleur, « Il avait reçu l’entreprise, le métier et la vie de son père en héritage ».

La grand-mère immigrée italienne, Louise, qui a fui le fascisme, connu exil, faim, froid, humiliations, racisme, peur. L’association de ce mariage à son courage et son travail vont transformer l’étrangère en une « notable ». « Louise s’était assurée que sa progéniture fasse honneur à la caste à laquelle elle appartenait à présent ». Logique, non ?

le fils ainé, Désiré, désormais porteur de cet honneur familial. En contrepartie, il sera plus gâté « effectivement et matériellement », on respectera son choix d’études, (en plus le petit chéri obtient son bac et devient secrétaire du notaire !) Mais voilà… C’était sans compter sur l’escapade à Amsterdam à l’été 1982 et les vraies grosses conneries… « A tout juste vingt ans, il franchissait pour la première fois les limites de l’enclos dans lequel son existence était emprisonnée »

Le père de l’auteur : quitte l’école à quinze ans pour chercher la reconnaissance parentale grâce à un investissement exemplaire à la boucherie. Ni sorties, ni voyages, sauf « pour aller chercher ce gros con de Désiré » à Amsterdam.

Mais nous sommes dans la société des années 80 !!! Les jeunes refusent ce carcan fait de morale, vie religieuse, courage, travail. L’idée même de vivre comme leurs darons les insupportent ! Alors ce virus qui surgit va trouver un terreau fertile dans cette jeunesse un peu perdue en attente d’un tout autre avenir. « La toxicomanie répondait à une frustration, un manque de confiance en soi, une faille personnelle que la drogue venait atténuer ».

 

 « Le mécanisme du déni de ma grand-mère venait de s’enclencher. Désiré n’avait pas fugué aux Pays-Bas sans prévenir. Il était parti en vacances là-bas chez des amis et était revenu avec une jeune fille qui désirait apprendre le français ». Le déni devient un système de défense, en même temps qu’une manière de ne pas avoir à s’interroger ou à changer sa feuille de route ! Dans cette vie ils ont tant trimé pour donner un avenir digne et moins dur à leur progéniture, alors ils refusent toute remise en question ou destruction de l’acquis. Et puis le qu’en dira-t-on, l’image familiale … Donc la grand-mère se barricade derrière le déni, le grand-père derrière le silence. « C’était le dernier combat de ma grand-mère : protéger sa petite fille de la réalité ».

Tout ce qui a véritablement du sens n’est donc jamais exprimé. La logique veut qu’on ne s’interroge pas sur le pourquoi puisqu’on nie la maladie. Pas de solution puisque pas de problème !

 

Mais le déni ne se limite pas au cercle familial… Au niveau national et international, les médecins chercheurs, les politiques vont minimiser et relativiser la course folle du virus. Quand l’immunologiste Jacques Leibowitch dit « Il est temps de donner l’alerte » en 1981, il n’est pas entendu. Quand Rozenbaum alerte en 1982 par un article, les autres répondent que l’affection, ce « syndrôme gay » touche si peu de monde ! Mais Rozenbaum persiste, dérange et doit même changer d’hôpital. Les médecins généralistes rient sous cape lorsqu’on leur demande de recenser les cas et contribuent très peu. L’institut Pasteur est indifférent. On doit à Françoise Brun-Vézinet de l’avoir mis en contact avec le professeur Luc Montagnier. Et puis tous ces savants se tirent dans les pattes. Et quand le sang contaminé épouvante les français, même les autorités ne prennent rien au sérieux. Il faut attendre 1985 pour que le ministère lance les centres de dépistage anonymes et la pub pour les préservatifs. . « Pour les chercheurs, une menace se dessine un peu plus, celle d’une pandémie ». Le déni ne connaît pas de limites. Alors ce souvenir douloureux et la peur de récidiver ont forcément joué un rôle dans la prise en charge de l’affaire covid 19…


 

LE CONSEIL DU MATOU CHARLY, INTELLO MAIS PAS TROP   Franchement les humains vous n’êtes pas doués pour les bons scores au scrabble. Des mots de quatre lettres style SIDA, DÉNI, CAMÉ, MORT… Si vous ne voulez pas continuer à penser et agir comme grand-mère Louise et Désiré, va falloir commencer par changer de vocabulaire ! Apparemment vous avez besoin de Charly l’intello ! Allez, c’est cadeau : CHAT, PAIX, LOVE, JOIE, BISE, PÂTÉ. Essayez au moins de les caser sur la case mot compte triple...


 

LA DRÔLE D'ORDONNANCE DE LA PSY ET COACH EN HERBE   « Chacun à sa manière a confisqué la vérité ». Anthony Passeron a redonné sa place à table à madame Vérité, celle qui ne disparaitra jamais même si on détourne le regard ! Il l’a vêtue de mots, de faits et dates scientifiques, il a accepté d’appeler un chat un chat. Il a rendu leur histoire à ses proches décédés. Merci ! Du beau boulot !

 

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