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OH PARDON ! TU LISAIS...
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2 avril 2023

« LE FAUCON ERRANT » de Jamil Ahmad

 

LE FAUCON ERRANT

Éditions Acte Sud 2013, « Lettres indiennes » –201 pages- 2011- Traduit par Sophie Bastide-Foltz

 

Une immersion instructive inoubliable au cœur des zones tribales afghanes et pakistanaises !

 

PITCH : un primo-romancier de 78 ans, ancien haut fonctionnaire pakistanais en poste dans ces zones tribales, nous livre son unique roman, constitué de neuf histoires de vies dont le fil conducteur est le personnage principal, TOR BAZ, LE FAUCON ERRANT, l’observateur, voyageur, guide, un homme étrange au passé douloureux, qui avance dans sa vie entre les montagnes et les plaines des deux pays frontaliers.

RÉSUMÉ : dans les années 1950, l’histoire de deux pays frontaliers racontée aux travers de nombreux personnages d’ethnies différentes qui croisent tous la route de Tor Baz, l’homme qui à l’âge de cinq ans assiste à l’exécution de ses parents accusés d’avoir commis le crime d’amour. Le garçon sera recueilli à de nombreuses reprises par des hommes de diverses tribus –un vieux nomade, un mollah très particulier, un couple qui en fera son fils de remplacement– avant de fuir, d’errer tel un homme du désert, seul, ne se retournant volontairement jamais sur son passé. Tor Baz nous entraîne à la rencontre de lieux et d’habitants aux valeurs ancestrales refusant tant la modernité de cette période post coloniale, source, selon eux, d’anéantissement de leurs traditions de nomades, que l’ingérence des différentes nations dans leur indépendance tribale.

 

 MON AVIS : j’avais entendu l’éditeur d’Actes Sud parler de ce roman, et l’impatiente que je suis n’avait pu s’empêcher de s’en faire une idée précise… avant lecture ! Forcément, le rythme du livre m’a étonnée, en parfaite occidentale pressée que je suis, j’attendais un schéma narratif différent. Alors j’ai compris que c’était à moi de m’adapter, de suivre le rythme du soleil, de la lune, des saisons, des migrations des montagnes vers les plaines, de prendre mon temps et de ne rien attendre de particulier. Jamil Ahmad raconte des existences, énonce d’une plume sobre mais bien taillée donc efficace, sans jamais juger ni dénoncer, laissant sur le papier des traces de vies rudes, violentes, sans pitié, mais aussi sincères et touchantes. Il faut marcher au fil des mots, sous le soleil ou dans la neige pour s’immiscer un peu dans les secrets des tribus nomades de la période d’avant les Talibans. En acceptant de suivre le guide-conteur, j’ai réalisé un incroyable voyage intérieur que je vous recommande !

 

L’histoire s’ouvre sur ces amoureux désespérés, ayant fui leur tribu siahpad, cherchant à échapper à une mort qui les rattrapera de toute façon.   « Ils rappelaient alors un peu aux soldats ces petits lézards du désert apeurés qui se carapatent dans leur trou au moindre signe de danger ».

 Dans cette région du Baloutchistan, le sardar, chef de tribu, est le garant de la loi de son ethnie. Les baloutches ne prêtent pas serment sur le Coran mais sur leur sardar tout puissant, responsable de l’ordre, de l’honneur, protecteur, juge. Leur parole d’honneur remplace tout document. Alors ces années 1950 vont bouleverser la vie de ces hommes qui n’ont pas l’intention de se plier à une politique d’État constituée de règles, de lois identiques pour une nation définie ! Eux, les nomades indépendants, profondément libres, sont désormais contraints de choisir s’ils deviendront résidants sédentaires de l’un ou de l’autre pays ! L’auteur raconte la tuerie des Kharots par les pakistanais, lors de la mise en place de cette politique des frontières. « Ce serait comme essayer d’arrêter des oiseaux migrateurs ou des sauterelles », pensent à tort les nomades… Et pourtant, le pouvoir étatique doit maintenant se centraliser, s’organiser, et pour ce faire, intervenir dans l’organisation tribale. Mais ils refusent « La justice des autres », et tenteront, au prix de leur vie, de défendre leur discipline tribale : « un système de valeurs, un style de vie devaient mourir. Dans ce choc de civilisation, l’État, comme toujours, se révéla plus fort que l’individu. »

 

Qui dit nouveau pays dit tracé de frontières, zone de démarcation. Ces terres de libre circulation deviennent soudain propriétés d’un État. Un thème aussi intemporel que terriblement d’actualité, un problème insolvable : A QUI APPARTIENT LA TERRE ?  « Comment peut-on nous traiter comme si nous appartenions à l’Afghanistan ! Nous restons quelques mois là-bas puis quelques mois au Pakistan. Le reste du temps, nous nous déplaçons. Nous sommes des Pawindahs et nous appartenons à tous les pays, ou à aucun, ajouta-t-il, songeur. »

Le livre met l’accent sur l’incompréhension de ces hommes apeurés par tous les intrus successifs qui bouleversent leur fonctionnement ancestral. Ils craignent la mort de leur système  et veulent rester INDÉPENDANTS. (face aux Britanniques, aux  Soviétiques, aux Américains, face au monde !)


 

LE CONSEIL DU MATOU CHARLY, INTELLO MAIS PAS TROP : j’ai lu dans le roman cette phrase d’un chef brahui : « Et il y a une autre bonne raison pour ne pas pleurer. Gémir chez l’homme, c’est comme du miel dans un pot. Le miel attire les mouches, les gémissements attirent les ennuis ». Et mes miaulements, alors, hein, ils sont aussi sources d’ennuis, peut-être ? Je suis un grand sensible, moi, et miauler m’aide à mieux vivre mes émotions, à communiquer, à aimer. Miauler, comme pleurer ou rire, n’est pas gémir ! La transhumance afghane, très peu pour moi !!! La mienne se résume à passer du salon au balcon à mes deux chambres…


 

LA DRÔLE D’ORDONNANCE DE LA PSY ET COACH EN HERBE : en proie à cette peur de la modernité, il y a un thème que ces hommes prennent soin de garder inchangé : la femme, objet sur une étagère, surtout pour ceux qui n’ont pas de livres ! Le bouc-émissaire, le souffre-douleur, le symbole qu’une société a encore une profonde vie de souffrance devant elle et que l’éveil…n’est pas pour demain ! Un jour, un homme m’a dit que la femme était le seul plaisir gratuit du pauvre… Non messieurs, vous ne pouvez être propriétaire de votre femme, l’acheter, l’insulter, la vendre, la battre, la violer pour palier vos vies médiocres et votre piètre opinion de vous-même !!! Vous n’avez pas encore acquis les connaissances fondamentales : madame est un être humain au même titre que monsieur. Vous allez donc redoubler votre classe jusqu’à maîtriser la base !


 

 Vous avez apprécié ? Alors lisez "Les après-midi d'un fonctionnaire très déjanté" : http://ohpardontulisais.canalblog.com/archives/2022/11/15/39709610.html

 

 

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Commentaires
T
L'Afghanistan... Est-ce que ce livre peut nous rappeler l'ambiance du magnifique roman Les cavaliers de Kessel, où le "héros" effectue aussi de nombreuses rencontres au cours de son voyage?<br /> <br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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T
C'est tout à fait ça, les esprits sont comme des programmes informatiques, et souvent, le programme n'est plus d'actualité et devrait être remplacé. Mais les femmes ignorent souvent qu'elles ont le droit et la capacité de créer un nouveau et meilleur programme.
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M
Merci pour cette très belle analyse de ce roman-témoignage qui montre effectivement que les hommes n'habitent pas la Terre de la même façon, mais que souvent ils se ressemblent pour la maltraitance de la moitié de l'humanité. <br /> <br /> Les femmes n'en n'ont parfois même pas conscience tant cela est intégré dans leur esprit.
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