« LE TUEUR HUMANISTE » de David Zaoui

Éditions Le livre de poche – juin 2021– 256 pages-

De temps à autre je tombe sur un livre assez fou comme celui-ci, alors « ça paraît con...mais ça sucre mon quotidien ».

PITCH : Une fable policière hilarante, déjantée, hyper originale qui ferait un film décapant, émouvant et profond : la rencontre d’un gosse innocent et d’un « pédagogue en criminalité ». 

RÉSUMÉ : Le petit Babinsky n’est pas né au bon moment au bon endroit… Et pourtant, il se révèle dès l’orphelinat sous le jour d’un savant mélange de Freud et de mère Teresa. Son empathie naturelle attire les autres à lui, le gentil, l’altruiste, l’enfant solaire et apaisant, à l’écoute des confidences, qui porte bonheur et console pour le simple plaisir de voir sourire ses camarades. Le ciel l’a doté d’un autre don : il est un tireur d’élite aux fléchettes. C’est ce don qui met le gros Cyrus sur son chemin, cet adoptant qui s’approprie alors l’éducation du garçon, lui offrant une vie à ses côtés avec à la clé une carrière de tueur à gages. Mais le jeune Babinsky a des principes. Oui il tuera, mais seulement après avoir comblé sa future victime de bonheur. Il enquêtera auparavant pour connaître les sources de joie de chaque futur.e assassiné.e...

 MON AVIS : 

En 2023, peut-on encore honnêtement avouer s’être régalée en découvrant les aventures d’un tueur à gages, même si le titre indique qu’il est humaniste ? Oui, on peut, surtout que Babinsky « revendique une morale de tueur » !

Peut-on même aller jusqu’à dire qu’on serait probablement tombée sous son charme dans la vraie vie ? Oui, on peut, sous réserve bien sûr qu’un tel tueur existe ailleurs que dans l’esprit déjanté de l’auteur David Zaoui…

Le style fluide de l’auteur de même que les nombreux dialogues courts et cinglants rendent le texte très visuel. La fable ironique se transforme soudain en film, presque en série et les images défilent dans mon cerveau. Babinsky prend chair, les contrats à gages du sympathique et attachant anti-héros se succèdent. Car oui on est face à l’archétype de l’anti-héros décevant. Il n’a pas réussi à utiliser à bon escient toutes ses qualités remarquables d’humanité et d’absence de jugement. 

« J’arrive à aimer les autres, mais…l’amour que je donne se termine toujours mal ».

Ce roman, sous couvert d’humour, l’air de rien, traite de sujets fondamentaux. Zut alors…il va falloir réfléchir ?! Pas forcément, vous pouvez juste passer un super moment avec la plume tendre, audacieuse et drôle de David Zaoui.

 Babinsky représente l’enfance en péril, un gosse innocent, sans parents, qui se retrouve confronté à la perversion adulte, et qu’on ne protège pas. Ce gamin subit un embrigadement pas à pas. Cyrus lui retourne le cerveau pour mieux l’utiliser. L’enfant est admiratif de cet homme qui lui fait miroiter une mission  à la Zorro ou Robin des Bois : « Le monde est toujours aussi pourri. Et il y aura toujours des types comme nous pour le nettoyer », dit Cyrus. Babinsky, doué pour rendre le sourire à quiconque l’a perdu, n’est pas né tueur, il l’est devenu sous emprise. Et puis, comment se reconvertir quand on est « prisonnier » d’un système de fonctionnement qui rémunère aussi bien ?

Le mal qu’il se donne pour apporter du bonheur à la personne dont la tête est mise à prix est vraiment émouvant. Le travail d’enquête préliminaire est remarquable. Il aurait eu sa place dans les services secrets français, c’est certain ! Babinsky veut rendre le sourire, même à d’anciennes crapules. Car ce ne sont pas non plus des enfants de chœur qu’on lui demande de supprimer ! Il est « un tueur qui s’était forgé une éthique pour anoblir la criminalité ». Et oui, dans le fond, qui d’entre nous ne rêve pas d’éliminer (ou faire tuer) les salopards de notre entourage ?

Les nombreux dilemmes du livre nécessitent forcément l’aide d’un psy. Tant mieux, David Zaoui a pensé à lui en faire consulter un, car bien sûr, notre tueur humaniste, « unique représentant de mon espèce face aux autres », souffre d’insomnies depuis la première liquidation humaine (humaine car animale il ne peut pas, trop affreux) et cherche un sens à sa vie d’enfant abandonné. L’auteur lui trouve un psychanaliste suffisamment loufoque en apparence pour être profond et efficace. Il a en plus de sérieuses références et connaissances (Talmud, Guematria hébraïque…)

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LA DRÔLE D'ORDONNANCE DE LA PSY ET COACH EN HERBE : Un humain a-t-il le droit de décider de la mort d’un autre humain ?  Ah ! l’éternel problème du choix ! Qui doit vraiment décider ? Le juge ? Les citoyens ?  Dieu ? Un groupe constitué de professionnels issus de la justice, le monde psy, la police et d’anciennes victimes ? Rassurez-vous, dans votre tête, vous avez tous les droits, et ces pensées de fossoyeurs ne devraient pas être réprimées, sous peine de vraiment passer à l’acte un jour…  

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LE CONSEIL DU MATOU CHARLY, INTELLO MAIS PAS TROP : Lorsque j’ai été lâchement abandonné et jeté à la rue, moi aussi j’ai dû tuer, mais c’était pour manger. Comme Babinsky, alors je jouais avec mes mulots avant de les tuer, afin qu’ils aient connu un moment de joie. Et aujourd’hui, je chasse de la souris en peluche, c’est plus humaniste !!! Non ?

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